L’enquête CAPUNI 2019, dont la passation s’est déroulée au mois de mars 2019, permet d’établir un instantané de la population des gilets jaunes, à l’aune de leurs usages et perceptions vis-à-vis du numérique, à ce moment-là du mouvement débuté à l’automne 2018.
Qui se déclarait gilet jaune (GJ) au moment de l’enquête ?
Ainsi, en mars 2019, 8 % des Français déclaraient avoir participé au mouvement des GJ (occupation de rond point, manifestation, etc.). Il s’agissait plutôt d’hommes (60 %), avec une forte proportion d’ouvriers (34 % parmi les GJ contre 15 % d’ouvriers dans la population française) et de personnes plutôt jeunes (tranches d’âges des 18-29 ans et 29-44 ans : + 10 points par rapport au reste de la population).
Ceux qui se sont déclarés GJ au moment de l’enquête avaient en outre plus tendance à estimer que leur vie était « difficile » au regard du revenu par foyer (36 % parmi les GJ contre 19 % pour le reste de la population) et craignaient davantage l’isolement social (52 % contre 36 % dans le reste de la population).
Où vivaient les GJ au moment de l’enquête ?
Au moment de la passation de l’enquête, les Français déclarant avoir participé au mouvement des GJ résidaient davantage :
• dans les pôles urbains moyens et petits (de 1 500 à 10 000 emplois)
• dans les zones rurales des espaces péri-urbains [1] à savoir les communes rurales situées dans la couronne des grands pôles urbains.
Ils résidaient moins :
• dans les grands pôles urbains (> 10 000 emplois), même si l’enquête indique qu’à l’intérieur des grands pôles urbains où ils sont proportionnellement moins nombreux qu’ailleurs, les GJ résident davantage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ainsi, dans les QPV, la probabilité de déclarer avoir participé au mouvement des GJ est trois fois plus élevée que dans les autres quartiers des unités urbaines contenant au moins un QPV.
Il convient d’ajouter qu’à la différence des habitants des zones rurales péri-urbaines, les habitants des zones rurales isolées sont proportionnellement autant à se déclarer GJ que la moyenne des Français.
Le suivi du mouvement via le numérique : médias "classiques" ou réseaux sociaux ?
Il faut commencer par souligner un résultat très significatif : au moment de la passation de l’enquête, seuls 32 % des Français déclarant avoir participé au mouvement des GJ suivaient le mouvement dans les médias, contre 77 % de ceux qui ne participaient pas au mouvement.
S’agissant du suivi des discussions du mouvement sur les réseaux sociaux, l’enquête montre que cela concerne 34 % des GJ, contre 22 % de l’ensemble des Français qui ne participaient pas au mouvement. Cependant, cet « effet GJ » n’est pas clairement identifié statistiquement en tant que tel, car s’agissant du suivi du mouvement via les réseaux sociaux, l’effet du jeune âge, très significatif, tend à prévaloir sur les autres effets possibles (on rappelle que les tranches d’âge les plus jeunes sont plus présentes parmi les GJ par rapport à l’ensemble des Français).
Enfin, un tiers des GJ déclaraient ne pas suivre le mouvement via le numérique (ni dans les médias, ni via les réseaux sociaux).
Le rapport à Internet des GJ diffère-t-il de celui de l’ensemble des Français ?
Au-delà de l’âge, du revenu et du niveau d’études, qui sont les indicateurs les plus discriminants dans le fait d’être internaute ou non, on note que les GJ seraient plutôt plus internautes que l’ensemble des Français (96 % contre 91 % dans le reste de la population).
Les résultats de l’enquête ne font ressortir aucun « effet GJ » sur la crainte des fake news ou sur le fait d’en avoir déjà été victime. Ici encore, un « effet GJ » est difficilement repérable, tant des variables telles que l’âge, le diplôme ou le fait d’être internaute ou non (ce sont des caractéristiques propres aux GJ) sont discriminantes parmi l’ensemble des Français et tendent à effacer un éventuel effet GJ.
En revanche, l’enquête CAPUNI 2019 établit de manière très significative que la peur de l’isolement social liée à l’usage d’Internet [2] est davantage présente chez les Français qui déclarent avoir participé au mouvement des GJ. 52 % d’entre eux craignent en effet d’avoir moins de contacts physiques avec les gens (tels que les commerçants), contre 36 % de l’ensemble des internautes.
Au niveau des usages d’Internet liés à la perception de la qualité du débit à domicile, l’enquête révèle un « effet GJ » s’agissant des usages nécessitant un faible débit (échanges de mails, achats sur Internet, démarches administratives). Ainsi, pour ces activités numériques élémentaires et seulement elles, les Français déclarant avoir participé au mouvement des GJ sont significativement moins nombreux à estimer que leur débit à domicile est de « bonne qualité » (-8 points par rapport à l’ensemble des Français). Ils sont en revanche plus nombreux à estimer que leur débit à domicile pour réaliser ces mêmes activités est de « qualité moyenne » (+8 points).
Annexes
L’enquête CAPUNI : objectifs, déroulement et méthode de collecte
L’enquête téléphonique CAPUNI s’est déroulée du 21 janvier au 17 juin 2019, elle a été assurée par notre partenaire panéliste, l’entreprise morbihannaise Tryom.
Elle a permis la collecte de 7500 réponses de Français issus de la population métropolitaine des 18 ans et plus. L’échantillon obtenu inclut deux sur-échantillons géographiques correspondant spécifiquement aux individus des régions Bretagne et Bourgogne-Franche-Comté. En plus de rendre compte d’une photographie des usages numériques des Français et des habitants des deux régions administratives citées, l’enquête CAPUNI a pour visée d’étudier l’influence ou non sur les usages et les perceptions liées au numérique du fait de résider dans des zones définies comme « éloignées du numériques ». Parmi ces zones, sont identifiées les ZRI (zones rurales isolées des pôles urbains) et les QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville). Ainsi, ces populations bénéficient de sur-échantillons spécifiques.
L’échantillon national et celui des ZRI ont été collectés puis redressés afin d’assurer une représentativité du point de vue de plusieurs critères. À cet effet la méthode des quotas a été employée compte tenus des critères suivants : la région d’appartenance, la taille de l’unité urbaine de résidence (uniquement l’échantillon national), l’âge croisé au sexe et la catégorie socioprofessionnelle de l’individu interrogé.
Les thématiques abordées dans le questionnaire sont : la connectivité et l’équipement numériques, la diversité et l’intensité des usages, les compétences numériques, les attitudes et représentations vis-à-vis du numérique et le pouvoir d’agir.
Matériel et méthode mobilisés dans ce document
Dans cette synthèse, nous nous focalisons sur l’échantillon de France métropolitaine regroupant 4020 individus à partir duquel sont produits les résultats barométriques. Les échantillons des ZRI (1500 individus) et des QPV (2000 individus) sont également intégrés dans l’analyse pour mesurer l’impact de résider dans ces zones sur certaines dimensions d’intérêt.
Pour ce faire, des modèles économétriques de régressions logistiques (logit) sont mis en œuvre, contrôlés par un certain nombre de variables socio-spatiales, afin de connaître les réels effets discriminants sous-jacents de chaque comportement étudié. Les modèles retenus pour l’interprétation sont issus d’une sélection de variables basée sur une procédure pas à pas (stepwise) permettant d’obtenir un sous-ensemble de variables constituant un modèle parcimonieux au fort pouvoir explicatif (au regard du critère de l’Akaike qui est minimisé dans cette procédure de sélection). De plus, les modèles finaux ont été soigneusement contrôlés du risque de multicolinéarité entre les facteurs explicatifs par mesure du facteur d’inflation de la variance (variance inflation factor) pour chaque variable explicative.
Par ailleurs, les résultats issus des tris à plat ou croisés de certaines questions, énoncés sous forme de pourcentages, sont à entendre en tenant compte d’un niveau de confiance de 95 % et d’une marge d’erreur de 2 %.