Accès au numérique des Français pendant le premier confinement

, par Fabien Collas, Géraldine Guérillot , Sandra Trébaol, Soazig Lalancette

Équipements numériques et connexion dans les foyers français pendant le confinement

Le confinement du printemps 2020 a mis le numérique au cœur de nombreuses préoccupations. Pour continuer les activités quotidiennes telles que l’école ou le travail de chez soi, il a fallu s’adapter. Cette note propose un tour d’horizon des équipements numériques dans les foyers français avant d’aborder les questions de la connexion internet et de la qualité du débit perçue. Effectivement, l’une des inquiétudes émanant de l’augmentation massive de l’utilisation du réseau dans les foyers français était la tenue du réseau national de télécommunication. L’enquête CAPUNI Crise s’intéresse au ressenti des individus quant à la perception de la qualité du débit au domicile pour différents types de tâches quotidiennes plus ou moins énergivores en débit.

État des lieux

86% des foyers français sont équipés d’au moins un smartphone avec ou sans accès internet (en 2019, 81% des Français possédaient un smartphone avec ou sans accès à internet). L’équipement le plus présent dans les foyers français reste le smartphone, quasiment 9 foyers sur 10 en possèdent un ou plusieurs.
L’ordinateur est le deuxième équipement numérique le plus présent dans les foyers avec 80% des Français interrogés qui en possèdent au moins un à leur domicile. Les imprimantes et scanners (63%) complètent le podium.

Le partage des équipements numériques a-t-il posé problème dans les foyers français ?

La précipitation et la surprise du premier confinement ont fait que certaines personnes se sont retrouvées mal équipées ou ont dû partager leurs équipements pour télétravailler ou pour l’école à la maison.
L’enquête indique que 33% des personnes interrogées ont déclaré partager un ordinateur avec une ou plusieurs autres personnes du foyer et cela n’a posé problème qu’à seulement 2% d’entre-elles.
Le smartphone (avec et sans accès internet) reste un équipement utilisé principalement de manière exclusive.
L’enquête révèle que le partage d’équipement, quand il a eu lieu, n’a pas posé de problème.

Les achats de nouveaux matériels durant le confinement

Les foyers étant devenus des espaces « multifonctions » pendant le confinement, certains Français ont dû s’équiper de nouveaux matériels numériques pour faire face à cette vie « confinée ». 3% des individus interrogés ont déclaré avoir acheté un nouvel ordinateur en raison du confinement. Nous avons cherché à connaître la provenance de ces nouveaux équipements. Plusieurs choix étaient proposés : achat neuf, achat d’occasion, prêt d’association, prêt de l’entreprise, prêt d’un proche, prêt du service public. Malgré le très faible échantillon concerné par ces nouvelles acquisitions d’équipements informatiques, il semble ressortir que les individus concernés se soient principalement tournés vers l’achat d’équipements neufs.

Connexion internet et perception du débit


90% des foyers français ont une connexion internet à domicile

L’enquête montre que 90% des Français bénéficiaient d’une connexion internet à domicile pendant le confinement. Il y a donc 10% des foyers français qui ne possèdent pas de connexion internet à leur domicile. L’enquête CAPUNI 2019 avait montré que 11% des Français ne possédaient pas de connexion [1], il semble donc que cette donnée reste stable une année plus tard.

Figure 1 : Type de connexion internet dans les foyers français

Qualité de la connexion : une nette baisse ressentie pendant le confinement

Pour mesurer la qualité de la connexion internet à domicile perçue par les individus, trois grands types d’usages ou d’activités ont été définis :
• Les usages à débit « minima ». Ce sont des usages ne nécessitant pas de haut débit et qui peuvent supporter une perte temporaire de connexion tels que la consultation de mail, les démarches administratives en ligne et les achats en ligne par exemple.
• Les usages qui demandent un débit « descendant important stable ». Ces usages peuvent être illustrés par le visionnage de vidéo en streaming ou le téléchargement de contenu par exemple.
• Les usages qui nécessitent un débit « ascendant de qualité ». Ces usages peuvent être illustrés par des conversations vidéo ou encore les jeux en réseau par exemple.

Figure 2 : Qualité perçue de la connexion internet pour usages à débit minima (consultation de mail, démarches administratives, achats en ligne)

Figure 3 : Qualité perçue de la connexion internet pour usages à débit descendant (streaming vidéo ou audio, téléchargement de contenu)

Figure 4 : Qualité perçue de la connexion internet pour usages à débit ascendant (conversations vidéo, jeux en réseau)

Les graphiques ci-dessus illustrent la perception de la qualité du débit des individus avant le confinement (bleu) et pendant le confinement (jaune). De manière générale, il est a noter que les individus enquêtés ont perçu une baisse de qualité de connexion entre avant le confinement et pendant le confinement. Pendant le confinement ils sont plus nombreux à estimer la qualité comme mauvaise ou très mauvaise.

Concernant les usages à débit minima, 32% des internautes disposant d’une connexion internet à domicile ont constaté une baisse de la qualité de leur connexion durant le confinement. Plusieurs raisons significatives dans les analyses ont pu influencer cette baisse de qualité. Les effets impactant la perception du débit ont été évalués toutes choses égales par ailleurs.

La première renvoie à la zone urbaine d’appartenance des individus ; Par exemple les internautes habitant en zones rurales isolées ont plus constaté cette baisse que les internautes vivant dans les périphéries de grand pôle. La seconde raison expliquant la baisse de qualité peut être le type de connexion : les détenteurs d’une connexion haut débit ADSL ont plus ressenti la baisse de qualité que les détenteurs de la fibre.

Deux caractéristiques techniques de l’ADSL peuvent expliquer ces résultats, en plus du débit plus faible qui pénalise l’ensemble des usages multiples : d’une part, c’est une connexion à débit asymétrique, par conséquent les usages pour lesquels les utilisateurs ont besoin d’un débit stable (jeux en réseau, visio-conférence) sont pénalisés. D’autre part, plus l’abonné est loin du point de raccordement, plus le signal est affaibli. Cela peut, en partie, expliquer que les utilisateurs en zones rurales isolées (où les distances au point de raccordement sont plus grandes que la moyenne) aient été plus pénalisés que les utilisateurs ADSL en dehors de ces zones. Néanmoins, on ne peut exclure que d’autres éléments, comme le fait de se connecter à plusieurs via le wifi de la maison à la box, expliquent une partie de la baisse de la qualité du débit ressentie.

Les nouveaux usages numériques apparus durant le confinement ont donc aussi pu jouer sur la perception de qualité du débit. En effet, les individus impliqués dans le suivi scolaire d’un enfant durant le confinement disent avoir ressenti une baisse de la qualité de leur connexion pour les usages à débit « minima ». En revanche, aucun effet du télétravail n’a été observé sur la perception de la qualité du débit.

Notons que pour les autres types d’usages (descendant et ascendant), le schéma se répète (cf figure 4 et figure 5). En effet, la connexion est beaucoup plus décrite comme mauvaise ou très mauvaise qu’avant le confinement.

Conclusion

L’enquête CAPUNI Crise a montré que les Français avaient ressenti une baisse de la qualité du débit de leur connexion internet pour leurs tâches quotidiennes mais les réseaux de télécommunications ont tout de même tenu face à la demande massive de débit du printemps 2020 [2]. « Les premiers jours du confinement, les communications voix ont augmenté de 50% et le trafic Internet de 20 à 30% », a témoigné le directeur général de la Fédération française des télécoms, Michel Combot en mars 2020 [3]. Néanmoins les équipements numériques ont permis aux Français de continuer leurs activités malgré la situation exceptionnelle et également de développer leurs compétences ou encore de se familiariser avec de nouveaux usages.

Encadré sur l’enquête CAPUNI Crise
L’enquête CAPUNI Crise a été réalisée pour le compte du Groupement d’Intérêt Scientifique Marsouin. Soutenue par la Région Bretagne et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, « CAPUNI crise » a permis d’interroger par téléphone un échantillon représentatif de la population nationale (2 317 individus). La représentativité est assurée par la méthode des quotas sur les critères d’âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle, de taille d’unité urbaine de résidence et de département.
Les usages des très faibles échantillons ont été interprétés à la lumière des enquêtes antérieures ou des travaux qualitatifs des chercheurs de Marsouin.
L’enquête a porté sur les équipements et usages numériques avant et pendant le confinement, ainsi que sur l’école à la maison et le télétravail.
Pour plus d’informations, https://www.marsouin.org/article1214.html.
Le Groupement d’Intérêt Scientifique Marsouin a été créé en 2002 à l’initiative du Conseil Régional de Bretagne. Il rassemble les équipes de recherche en sciences humaines et sociales des quatre universités bretonnes et de trois grandes écoles, soit 18 laboratoires, qui travaillent sur les usages et transformations numériques.