L’observatoire de Marsouin, soutenu par la région Pays de la Loire, a mené une enquête sur les usages du numérique des entreprises ligériennes. Du 14 juin au 31 juillet 2021, 1 346 entreprises ligériennes ont répondu en ligne, par courrier ou par téléphone à la toute première enquête Entreprises de l’observatoire de Marsouin en Pays de la Loire.
Cette note a pour objectif de faire un état des lieux des stratégies d’innovation des entreprises et de tester le lien entre ces stratégies et les pratiques des entreprises en termes de RSE.
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est devenue un enjeu majeur que les entreprises de toutes tailles sont amenées à gérer. Le lien entre innovation et RSE a été mis en évidence dans plusieurs publications académiques (Bocquet et al, 2019).
Ce lien peut être indirect : les entreprises innovantes s’avèrent être plus dynamiques, ce qui facilite la mise en place de pratiques RSE (Temri et al, 2015). La mise en place d’une politique RSE peut aussi constituer un catalyseur d’innovation car elle donne l’opportunité de questionner les pratiques existantes (Broadstock et al, 2019).
Plus directement, les enjeux de la RSE peuvent constituer des occasions d’innovation ou symétriquement l’innovation peut apparaître comme un moyen de contribuer au développement durable (Aka, 2019 ; Porter et Kramer, 2011 ; Fussler et James, 1996), y compris dans le contexte des PME (petites et moyennes entreprises) (Berger-Douce, 2011).
L’objectif de cette note est de présenter les stratégies des entreprises en termes d’innovation d’une part et leurs pratiques en termes de RSE d’autre part, ainsi que de vérifier l’existence d’un lien entre les deux.
Des taux d’innovation conformes aux statistiques nationales
Le graphique 1 fournit une comparaison des statistiques obtenues dans l’enquête Marsouin à celles obtenues dans l’enquête CIS (Capacité à Innover et Stratégie) menée par l’INSEE en 2018 auprès d’un échantillon national représentatif de plus de 20 000 entreprises de 10 salariés et plus (INSEE, 2020).
Si le taux d’innovation global des entreprises ligériennes est conforme à celui des entreprises françaises (41% dans les deux échantillons), on observe des écarts lorsqu’on détaille le type d’innovation. En effet les entreprises ligériennes sont 29% à innover en produits (contre 25% des entreprises françaises) et 29% à innover en procédés (contre 33% des entreprises françaises).
Une réelle prise en compte des impacts des innovations en termes de RSE
Le graphique 2 met en évidence la prise en compte, dans les innovations des entreprises, des trois dimensions de la RSE évoquées dans le questionnaire : l’environnement, le développement local et la qualité de vie au travail.
L’impact des innovations sur chacune de ces dimensions est considéré comme une préoccupation principale pour plus de la moitié des entreprises. Parmi ces trois dimensions, c’est la qualité de vie au travail qui est le plus souvent au centre des préoccupations des entreprises ligériennes avec plus de 69% d’entre elles qui déclarent que c’est une préoccupation prioritaire contre 55% pour l’environnement et 52% pour le développement local.
Si on agrège ces statistiques, on montre que 78% des entreprises qui innovent en produits ou procédés déclarent que la prise en compte de l’impact de leurs innovations sur les trois dimensions de la RSE est une préoccupation majeure.
Des actions concrètes en termes de RSE
Les entreprises ont été interrogées sur les actions qu’elles mènent en termes de Responsabilité Sociétale des Entreprises. Huit actions ont été identifiées et il a été demandé aux entreprises si elles les avaient mises en œuvre ou non. En cas de réponse affirmative, les entreprises ont pu préciser si c’était à leur initiative ou bien en réponse aux besoins ou exigences de certains partenaires. Le détail des réponses est présenté dans le graphique 3.
L’action la plus largement adoptée est le tri sélectif et le recyclage des déchets qui sont mis en place dans 91% des entreprises ligériennes, conformément à la réglementation qui l’impose aux structures de 20 salariés et plus. Viennent ensuite la mise en place d’une politique de sécurité et/ou de bien être des salariés qui va au-delà des exigences réglementaires, dans 70% des entreprises ; puis la politique d’économie d’énergie et/ou de réduction de la pollution de l’air, l’eau, les sols, etc. adoptée dans 65% des entreprises. Dans la plupart des cas, chacune de ces actions est mise en place à l’initiative de l’entreprise, les partenaires n’ayant que peu d’influence sur ces pratiques.
L’agrégation de ces différentes pratiques nous permet de calculer un score RSE allant de 0 à 8 qui représente la somme des actions mises en place par les entreprises, qu’elles émanent de l’entreprise elle-même ou qu’elles soient motivées par les partenaires.
Le graphique 4 montre une diversité d’engagements des entreprises ligériennes dans le nombre d’actions RSE qu’elles mettent en œuvre. Ainsi, le tiers des entreprises interrogées ont mis en place plus de 5 actions RSE. À l’inverse, seules 17% des entreprises en ont adoptées 2 ou moins. Les facteurs explicatifs de ce plus ou moins grand engagement dans la RSE feront l’objet d’analyses ultérieures.
Une faible prise en considération de l’empreinte écologique du numérique
Le secteur du numérique représentant une part croissante des émissions mondiales de gaz à effet de serre (ADEME, 2012), la question de l’empreinte écologique des usages et des équipements numériques peut se poser dans les entreprises. Celles-ci ont été interrogées sur la mise en place d’une série d’actions visant à limiter leur empreinte écologique liée au numérique. Les résultats sont synthétisés dans le graphique 5.
Les actions les plus souvent mises en place par les entreprises pour réduire l’impact environnemental de leurs usages numériques sont la limitation de la fréquence de renouvellement de leur matériel informatique et/ou téléphonique (pour 54% d’entre elles) et le paramétrage de la mise en veille des appareils (pour 44% d’entre elles). Les autres actions restent largement minoritaires avec un quart ou moins des entreprises qui les mettent en place.
L’agrégation du nombre d’actions menées afin de réduire l’empreinte écologique du numérique permet de mieux saisir la manière dont les entreprises appréhendent plus globalement la question de l’impact de leurs usages numériques. Le graphique 6 met en évidence une prise en considération qui reste faible, avec 23% des entreprises qui ne mettent en place aucune action visant à réduire l’empreinte écologique liée à leurs usages numériques et 68% qui mettent en place 2 actions ou moins. Des analyses complémentaires mobilisant d’autres variables de l’enquête permettront d’identifier des pistes d’explication à cette faible prise en considération.
La notion de RSE pas toujours bien cernée ?
Alors que la plupart des entreprises déclarent prendre en compte les impacts de leurs innovations sur l’environnement, la qualité de vie au travail et le développement local et qu’elles déclarent mener des actions concrètes en termes de responsabilité sociétale, la démarche en termes de RSE ne semble pas toujours bien cernée.
Les entreprises ont en effet été interrogées sur ce que représente pour elle une démarche RSE. Le graphique 7 met en évidence un taux de non réponse important sur cette question comparativement aux autres parties du questionnaire (15 à 16%) et une part importante des entreprises se déclarant “non concerné” (20% à 24%), ce qui peut traduire une difficulté à se positionner sur le sens donné à la RSE.
Lorsque les entreprises répondent c’est le plus souvent pour décrire leur démarche RSE comme une conviction (55%) et en perçoivent les impacts positifs : c’est pour 52% d’entre elles un axe de différenciation et pour 47% d’entre elles un moyen d’attirer de nouveaux talents.
Un lien clair entre la stratégie d’innovation et la démarche RSE
Nous avons regroupé le score RSE, qui somme le nombre d’actions en termes de RSE mises œuvre par les entreprises, en trois catégories (2 actions et moins ; entre 3 et 5 actions ; 6 actions et plus). Cette variable a été croisée avec la stratégie d’innovation afin de vérifier le lien mis en évidence dans la littérature (Bocquet et al, 2019). Un test de Khi 2 nous a permis de valider la dépendance entre ces deux variables. Le graphique 8 fait apparaître la répartition de ce score RSE en trois catégories en fonction de la stratégie d’innovation des entreprises.
La part des entreprises qui ont des scores RSE élevés (6 actions et plus) est plus importante parmi celles qui innovent en produit et procédé que sur l’échantillon total (49% contre 33%) et à l’inverse moins élevée parmi celles qui n’innovent pas que sur l’échantillon total (26% contre 33%). Symétriquement, la part des entreprises qui mettent en place peu d’actions RSE (deux et moins) est plus importante parmi celles qui n’innovent pas que sur l’ensemble des entreprises (23% contre 18%) et moins importantes parmi celles qui innovent en produits et procédés que sur l’ensemble des entreprises (9% contre 18%).
Conclusion
Les éléments chiffrés présentés dans cette note donnent une vision globale des stratégies des entreprises ligériennes en termes d’innovation et de pratiques RSE, tout en esquissant un lien entre ces deux activités aujourd’hui essentielles à leur compétitivité et à leur pérennité sur le long terme. Un traitement plus approfondi des résultats de cette enquête permettra de mieux comprendre les facteurs qui favorisent la mise en place de ces politiques, et en particulier le rôle joué par le numérique dans leur accompagnement.
Bibliographie
ADEME. (2012). Réalisation d’un Bilan des émissions de gaz à effet de serre - Guide Sectoriel 2012. TNIC. ADEME.
Bocquet, R., Le Bas, C., Mothe, C., & Poussing, N. (2019). Strategic CSR for innovation in SMEs : Does diversity matter ? Long Range Planning, 52(6), 1-13.
Broadstock, D. C., Matousek, R., Meyer, M., & Tzeremes, N. G. (2019). Does corporate social responsibility impact firms’ innovation capacity ? The indirect link between environmental & social governance implementation and innovation performance. Journal of Business Research, 1-12.
Fussler, C., James, P. (1996). Eco-Innovation : a Break thorough Discipline for Innovation and Sustainability. London : Pitman.
INSEE (2020). Le numérique stimule l’innovation dans le secteur tertiaire. INSEE Première, n°1811.
Porter, M.E., Kramer, M.R. (2011). Creating shared value. Harvard Business Review, 63-77
Temri, L., Giordano, G., & Kessari, M. E. (2015). Innovation et responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans les entreprises agroalimentaires du Languedoc-Roussillon : le rôle de la performance économique. Innovations, (1), 115-139.