Heureuse conjonction, c’est au moment même où la Banque de Suède vient de décerner le tout récent prix en l’honneur d’Alfred Nobel à un économiste expérimentaliste Vernon Smith et un psychologue cogniticien Daniel Kahneman que MARSOUIN s’engage dans l’ambitieux projet de mise en place de deux laboratoires expérimentaux.
La volonté affirmée est d’en faire un laboratoire résolument pluridisciplinaire, ouvert aux entreprises, dédié à l’observation des usages des objets à fort contenus technologiques mais aussi à l’analyse des comportements dans des environnements virtuels.
Contacts : Raphaël Suire pour Rennes et Roger Waldeck pour Brest.
Chacun d’entre nous aura probablement observé qu’en cette fin d’année la stratégie d’offre d’accès à haut-débits s’est faite plus agressive. Si les FAI se lancent dans une guerre des prix (peut-être un peu risquée), simultanément, les internautes vont se faire plus nombreux.
Cet afflux de consommateurs va redessiner les contours des stratégies marketing en général et de fidélisation en particulier. Face à un Internet moins coûteux et plus rapide, gageons que les infidélités vont s’amplifier ou à tout le moins mettre véritablement la concurrence à la portée d’un seul clic ! C’est dans ce contexte que MARSOUIN met en place un laboratoire expérimental (LaBeX) dédié à l’étude des comportements en ligne.
Laboratoire expérimental et société de l’information.
Concrètement le laboratoire MARSOUIN c’est un réseau d’ordinateurs sur lesquels des individus doivent réagir et/ou prendre des décisions. L’objectif étant de récréer de façon "artificielle", dans un contexte parfaitement contrôlé par les promoteurs de l’expérience, les conditions de fonctionnement d’un système social : un marché, un groupe, une situation de négociation.
Deux sites bretons sont pour cela retenus. Un laboratoire va prendre place dans les locaux de l’ENST Bretagne à Brest tandis que le second s’installera dans les locaux de la faculté des sciences économiques à Rennes.
Ces laboratoires vont accueillir des expériences scientifiques, réalisées par les chercheurs de MARSOUIN, mais aussi des entreprises voulant valider une idée ou un projet de nouveau produit.
La bi-localisation, outre le fait qu’elle favorise l’accessibilité des usagers en desservant efficacement le territoire va aussi permettre d’envisager des expériences en réseau entre les deux sites.
Détaillons les raisons qui nous ont poussés à créer ces laboratoires et les résultats que nous en attendons.
Dans une société de l’information et de la connaissance, l’individu n’est plus seul à décider : les paramètres critiques de la fidélisation.
L’importance que nous accordons aux relations inter-personnelles pour le comportement d’adoption ou de non-adoption provient principalement du caractère singulier de certains biens que l’on appelle biens d’expériences. Ce bien est particulier en cela que l’on ne connaît sa valeur ou son utilité qu’à posteriori, i.e. une fois acquis ou consommé ! Par conséquent, s’ils s’échangent bien sur des marchés, en revanche, le prix n’est plus le seul critère qui mène à la décision d’achat et le bouche à oreille, le mimétisme, l’observation... sont autant d’éléments qui interviennent au cours du processus de décision : la transaction marchande (effective ou non) n’étant que la résultante de ce processus de tâtonnement social lui-même fonction d’un environnement communautaire. L’économie du numérique qui accompagne la société de l’information et de la connaissance produit majoritairement ce type de biens. Comprendre comment se diffusent de nouveaux usages ou de nouveaux objets c’est donc non seulement comprendre comment les agents réagissent face à de nouveaux environnements mais aussi comment la pression sociale effective mais désormais aussi virtuelle via les communautés médiatisées peut influencer les choix, les comportements et les réactions.
Qui ne connaît pas dans son entourage untel victime d’une légère névrose technologique, tel autre au contraire fermement ancré dans un passéisme sévère ?
Beaucoup se reconnaîtront voire appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories d’usagers et c’est tant mieux. Plus justement, plus nombreux nous seront à nous reconnaître dans cette description et plus aisé il sera de comprendre les processus de diffusions qui mènent à l’adoption d’une nouvelle technologie ou d’un nouvel usage.
Tant la récente théorie des interactions, reposant principalement sur la dynamique des réseaux sociaux que les outils informatiques qui permettent désormais de simuler à grande échelle (i.e. avec un très grand nombre d’agents) ont très significativement amélioré notre compréhension des comportements individuels nécessaires à la diffusion des innovations technologiques et/ou des usages nouveaux. Par exemple, nous savons désormais que la composition des réseaux sociaux, i.e. les caractéristiques des individus que vous rencontrez au quotidien (du névrosé au passéiste), est une profonde source de différenciation et désynchronise les comportements d’adoption ou de statu-quo (inertie). Ainsi, que chacun possède le même type de réseau social, le même nombre de connaissances, bref, la même composition et tout devient plus simple pour l’observateur et le modélisateur puisqu’en tout point de l’espace il sera aisé de prévoir des réactions qui seront à peu de choses près identiques. Facile dès lors d’identifier d’éventuels points de frictions en un endroit du territoire, des effets de levier à d’autres, puis d’inciter aux bonnes pratiques en oubliant les plus mauvaises.
Mais si nous répliquons ces observations à grande échelle, du local à la région puis à la nation, nous allons observer que les réseaux se multiplient et s’interpénètrent. Ils excluent certains individus, marginalisent des territoires et renforcent le caractère attractif de grandes agglomérations. Les lignes de fractures sont par conséquent non seulement numériques mais aussi spatiales.
Il devient aussi beaucoup plus complexe de comprendre les interactions qui s’y déroulent.
La mise en situation des individus dans des environnements informationnels : une expertise au service de l’opérateur privé et public.
Il faut essayer de simplifier les situations, les interactions pour pouvoir les étudier. L’expérience en laboratoire permet cela, car on peut contrôler l’environnement dans lequel sont prises les décisions. Et à partir d’un scénario de référence ou étalon il est possible d’observer les comportements induits lorsque l’on fait varier les contraintes et les incitations.
Prenons quelques exemples.
Une question importante, tant pour les opérateurs privés que publics, est celle de la fidélisation et de la personnalisation des interfaces Web. À cet égard, certaines expériences que nous envisageons ont pour objectif de mieux comprendre le rôle joué par l’information disponible en ligne et la dynamique de navigation intra-sites. Existe-t-il des spécificités dans les comportements, des typologies envisageables ? Mais si l’on décèle de tels parcours, comment ensuite les attribuer à des Internautes ? Dit autrement, la question est de savoir comment un opérateur qui analyserait ses statistiques de navigation peut-il associer efficacement ces dernières à des caractéristiques individuelles.
Une spécificité d’Internet est de substituer aux conseils du vendeur physique (qui sont ou ne sont pas suivis par ailleurs) des bandeaux publicitaires interactifs, des forums informationnels où l’on propose les recommandations d’un groupe d’utilisateurs (virtuels ou réels ?) qui présentent un profil d’actions semblables.
Les utilisateurs ont-ils confiance en ce type d’information ? Est-ce un système généralisable ? Existe-t-il un vecteur privilégié de la diffusion de l’information dans une perspective de gestion efficace de la relation avec l’internaute (ou avec le client) ?
Par ailleurs et pour faire écho à ce que nous disions auparavant sur les interactions sociales, mieux comprendre l’internaute, c’est aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure l’interaction non médiatisée, i.e. réelle et directe, concurrence l’interaction déshumanisée que l’on peut avoir sur une interface en ligne. À quel moment y-a-t-il substitution entre les deux systèmes ou au contraire quand est-ce que les deux sphères se complémentent ? Bref, dès lors que chacun n’a qu’un temps limité à accorder à ses rencontres, à ses amis, à sa famille, à ses collègues...Internet pose-t-il la question d’un système de concurrence entre interactions on-line et off-line ? C’est un point critique pour déterminer des stratégies de e-marketing par exemple.
Du point de vue de la psychologie du comportement, beaucoup reste à faire mais Marsouin apparaît déjà avancé dans des thématiques porteuses notamment autour des processus d’influence des comportements en ligne. En appliquant des principes du marketing atmosphérique (réactivité aux sons, couleurs, odeurs, ...), nous allons observer comment les individus réagissent individuellement à des interfaces différenciées améliorant par conséquent les stratégies de « versioning » ou de personnalisation des interfaces interactives.
Est-ce à dire finalement que les expériences que nous mènerons vont conclure une ergonomie par Internaute ? Sachant que de cette ergonomie dépend la stratégie de verrouillage et de fidélisation, on peut voir l’intérêt majeur du laboratoire pour les chercheurs, mais aussi pour les industriels !
Espérons en tout cas que ces travaux feront du laboratoire un outil efficace qui remplira sa mission d’éclairage des décideurs publics et privés.