13 ans après la révolution initiée par Napster, l’industrie du disque semble aujourd’hui en
mesure de tirer profit des nouvelles formes de consommations numériques. Au centre des
nouveaux usages numériques, le streaming prend une place importante. Youtube, et
Dailymotion stockent des milliers de clips vidéos officiels et non officiels, d’artistes reconnus
et d’amateurs mais aussi de nombreuses performances « live » extraites de concerts et autre
forme de représentation. Plus récemment les européens Spotify et Deezer ont développé des
plateformes rassemblant plusieurs millions d’utilisateurs à travers le monde. Leur modèle
propose un accès gratuit à un catalogue musical financé par la publicité et un accès payant
donnant droit à l’écoute illimitée de l’ensemble du catalogue sans restriction.
Si l’accès payant à ces plateformes prévoit une redistribution financière des revenus vers les
ayants droit, la possibilité pour l’internaute d’écouter gratuitement chansons et albums pose la
question de la « cannibalisation » du marché de la musique enregistrée à l’heure ou la
croissance des ventes numériques de musique enregistrée ont relancé les espoirs du secteur.
On revoit ici poindre le spectre des effets dévastateurs du piratage sur les ventes de CD. Le
récent boycott d’artistes reconnus (Colpdlay, Adele…) symbolise cette crainte et interroge la
viabilité et la pérennité de ces nouvelles plateformes.
Si la littérature économique s’est beaucoup intéressée aux conséquences du piratage sur
l’industrie de la musique enregistrée, aucune n’a à notre connaissance interrogé la relation
entre les modes d’écoutes légales et gratuites de musique en ligne (streaming, webradio) et les
consommations de musique qu’elles soient enregistrées ou « live », numériques ou physiques.
Cette question semble d’autant plus importante que les jeunes générations semblent petit à
petit substituer le piratage de musique par l’écoute en streaming.
C’est chose faite dans cet article ou nous utilisons les réponses à une enquête M@rsouin sur
les pratiques culturelles pour mesurer l’impact du streaming sur les modes de consommation
musicales que sont l’achat de CD, l’achat de musique en ligne (Itunes ..) ainsi que la
fréquentation des concerts de musique classique (marché de niche), de groupe locaux (marché
de proximité) et d’artistes nationaux/internationaux.
Nos conclusions montrent qu’utiliser les plateformes de streaming a un impact positif sur
l’achat de musique en ligne et la fréquentation des concerts des artistes nationaux et
internationaux mais pas d’impact sur l’achat de CD et la fréquentation des concerts de
musique classique ou des artistes et groupes locaux. Le streaming apparait ainsi comme un
nouveau mode de prescription musicale pour l’achat de musique numérique sur le modèle de
la radio et de la TV pour l’achat de musique « physique » (nos résultats montrent que TV et
radio favorisent l’achat de CD et ont un impact moindre voir nul sur l’achat de musique
numérique).
L’effet positif du streaming uniquement sur les concerts des artistes « star » et non sur la
musique classique et les artistes locaux confirme qu’« accès » et « visibilité » sont deux choses différentes et que la simple mise à disposition des contenus de niche sur ces
plateformes ne suffit pas à changer le « superstars effect » cher à Sherwin Rosen.
Godefroy Dang Nguyen, Sylvain Dejean, François Moreau
[1]
Pour en savoir plus lire l’article : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2025071
Note méthodologique : l’enquête a été réalisée auprès de deux échantillons, 1000 individus
représentatifs de la population française et 1000 représentatifs de la région Bretagne. Les
régressions économétriques ont été réalisées pour les 2000 individus (avec une variable de
contrôle pour les bretons) et uniquement avec les 1000 représentatifs de la population
française sans produire aucun changement sur les résultats.