Aliakbar Akbaritabar prépare une thèse de doctorat à l’université Allameh Tabatabaei, à Téhéran.
Ses recherches portent sur le capital social virtuel, soit le capital social construit à travers les réseaux sociaux en ligne.
Pour analyser ces derniers, Aliabkar a développé une application, « Social village », permettant de collecter des informations à partir des comptes d’utilisateurs.
N’hésitez pas à faire circuler le message. Plus nous serons nombreux à lier nos comptes Facebook et Google + à cette application, plus ses recherches reflèteront la diversité de nos usages de ces réseaux et de la manière dont nous les mobilisons comme ressource en terme de capital social !
À l’occasion de son séjour de recherche de six mois au département Lussi de Télécom Bretagne, Aliakbar nous a accordé une interview.
L’interview, conduite en anglais, a été traduite par Catherine Sablé, professeure à Télécom Bretagne.
Quel est le sujet de votre thèse ?
L’intitulé exact de ma thèse est “Le capital social virtuel en Iran ; éléments contextuels et conséquences ». Initialement, le sujet se concentrait sur le contexte iranien mais, de par mon propre intérêt et en accord avec les suggestions de mon encadrant français pendant ma visite de six mois à Telecom Bretagne, le docteur Nicolas Jullien, j’ai traduit mon application en ligne mesurant le capital social, Social Village, du perse à l’anglais. Puis on a revu toutes les questions, rendu les mesures plus précises. Enfin avec la grande aide de Benjamin Agi, étudiant au département LUSSI, j’ai pu traduire l’introduction de l’application, les questions, les résultats et les interprétations de l’anglais au français afin de comparer le capital social des utilisateurs anglophones et francophones des réseaux sociaux en ligne , ainsi que d’autres données.
A quel cadre théorique faîtes-vous référence quand vous parlez de “capital social” ?
Au cours de mon Master puis de ma thèse, j’ai étudié différentes théories sur le capital social, différentes approches théoriques sur les réseaux sociaux en ligne et différentes approches méthodologiques, et ainsi, en m’appuyant sur mon problème de recherche et mes questionnements, j’ai choisi les théories de Nan Lin. Ainsi l’appareil théorique impliqué dans cette application est la théorie du Capital Social de Nan Lin, qui considère le capital social comme un atout collectif que les gens acquièrent en mobilisant leur capital social accessible et potentiel. Ce capital social est influencé pour une grande part les degrés de relations entre les membres du réseau, ainsi que par leur statut socio-économique.
Il y a, par ailleurs, un processus de capitalisation : les utilisateurs peuvent mobiliser ce capital social potentiel pour accéder aux ressources des membres de leur réseau. Après ce processus de mobilisation, appelé « capitalisation, les utilisateurs qui ont mobilisé avec succès leur capital potentiel obtiendront des résultats de deux sortes, instrumentaux et expressifs, comme, par exemple, la richesse, le pouvoir et la célébrité (exemples de résultats instrumentaux), la santé physique et mentale et une satisfaction (exemples de résultats expressifs).
En complément du modèle de mesure du capital social et de ses aboutissements de Lin, j’ai également considéré d’autres résultats comme l’amusement, les loisirs etc… qui sont particulièrement associés aux sites de réseau social et qui sont propres aux internautes. Mon plus grand défi a été de concevoir une façon de rendre fonctionnelle et mesurable cette communauté d’internautes afin d’obtenir des données qui puissent être comparées selon les utilisateurs de différents pays et différentes nationalités.
Votre recherche s’appuie sur la collecte de données à travers votre application ( Social Village) et à travers un sondage en ligne auquel les utilisateurs répondent en installant l’application. Vous vous attendez à recueillir des données de combien d’utilisateurs de Facebook et Google + ?
Jusqu’ici, en presque trois mois, nous avons eu près de 500 utilisateurs mais ce n’est pas le nombre que nous espérions recueillir en trois mois ; ceci est principalement dû à la longueur du questionnaire et aussi parce que nous n’avons pas eu le temps d’implémenter les services intéressants prévus pour la première version de cette application. Dans la version actuelle les utilisateurs peuvent voir leurs résultats et les interprétations en même temps qu’une image intéressante des personnes les plus pertinentes sur chacun de ces deux réseaux et ils peuvent comparer et partages cette image sur le réseau social concerné et ainsi montrer l’importance du soutien social apporté par leurs amis en ligne. Mais dans notre nouvelle version, les utilisateurs pourront participer à un sondage social encore plus stimulant et ludique. J’espère que la version suivante permettra d’augmenter notre nombre d’utilisateurs plus rapidement. J’espère atteindre plus de mille utilisateurs aussitôt la nouvelle version lancée et plus de 10 mile au bout de deux ans. J’ai en effet prévu de rester sur cet axe de recherche sur lequel je travaille depuis cinq ans.
Avez-vous déjà mené des entretiens qualitatifs avec les utilisateurs sur leur usage de facebook et google plus ainsi que sur les bénéfices sociaux qu’ils en retirent ?
Pas encore, mais je suis certain que ce type d’entretien est une bonne méthode de collecte de données et qu’elle me permettra d’obtenir des données encore plus pertinente. Jusqu’à présent, j’ai essayé d’observer et d’étudier le comportement des usagers des réseaux sur ces sites, à l’aide de deux des méthodes les plus prometteuses et les mieux adaptées au contexte (analyse du réseau social et enquête sociale en ligne). J’ai aussi pensé à mener des interviews en ligne pour rester dans ce contexte et ne pas séparer les utilisateurs de là où ils préfèrent passer du temps.
J’avais pour objectif de contacter de manière intéressante, les utilisateurs qui dénotaient avec la tendance générale mais comme je suis au milieu du processus de collecte de données, je ne peux pas être sûr qu’il sera nécessaire d’enrichir mes données actuelles.
Il y a une possibilité de le faire, après avoir analysé mes données dans la phase d’enquête structurelle et sociale.
En tenant compte de vos résultats préliminaires, pensez-vous que facebook et google plus augmente le capital social ?
Je ne peux donner de réponse assurée à cette question puisque jusqu’à présent je n’ai analysé qu’une partie des données et non pas toutes les données. Je peux dire qu’il y a différents utilisateurs avec des niveaux variés de soutien social gagné grâce aux réseaux sociaux mais je devrais attendre, pour répondre avec plus de certitude.
Vous intéressez vous aux utilisateurs de facebook et google plus, de manière général, sans tenir compte du pays ou plus spécifiquement à certains pays ? (Iran, France, autre)
La limite principale est ici le langage et non le pays. J’essaye de construire un outils de mesure du capital social qui aidera les utilisateurs de réseaux sociaux de différents pays à obtenir une plus grande connaissance de leur vie en ligne et à pouvoir se comparer avec leurs amis et d’autres utilisateurs. Je ne me concentre pas sur un pays. Nous avons essayé de traduire cet outils dans les langues les plus utilisées sur les réseaux sociaux and j’espère qu’il y aura plus de traductions de social village dans le future. J’ai rencontré deux étudiants intéressants qui voulaient traduire social village en arabe et en chinois mais ces traductions ne sont pas encore prêtes. Je serai plus qu’heureux de rencontrer des personnes intéressées, capables de traduire d’en d’autres langues.
Pensez-vous qu’il y ait des manières spécifiques d’utiliser facebook et google plus en Iran ?
En me basant sur mes observations et recherches précédentes je dirai oui. Dans mon mémoire de master, j’ai étudié plus de 30 mille utilisateurs de deux réseaux sociaux locaux iraniens. Ces réseaux étaient concentrés sur les étudiants et experts professionnels. J’ai aussi étudié l’utilisation iranienne de réseaux sociaux populaires comme facebook et google plus. Tout réseau social offre, selon ses scénarios et objectifs, la possibilité aux utilisateurs d’interagir ou, d’une manière ou d’une autre, d’être « netizen », citoyen du réseau social [1]. Les utilisateurs Iraniens utilisent certains des services de ces réseaux sociaux de manière intéressante, différentes des buts initiaux et des scénarios généraux des réseaux sociaux. Par exemple, un groupe d’opposants a initié des actions collectives en utilisant des outils de surveillance sociale sur ces réseaux afin de bloquer et de limiter l’accès et les activités à d’autres groupes.
J’espère qu’avec les mesures et questions, que j’ai intégrées dans le questionnaire de « netizenship », je serai capable d’étudier ces usages de manière comparative.
Pourriez-vous préciser certaines de ces pratiques originales ?
Ces réseaux permettent aux utilisateurs de signaler des Spams, par exemple, ou des contenus non-éthiques… Mais il y a une utilisation intéressante de cette option (que ne font pas les représentants politiques ou officiels) : les utilisateurs s’opposent entre eux ; j’ai ainsi observé des pratiques comme changer les images de leur profil, ou encore désactiver leur profil temporairement en faveur d’une action collective.
Combien de personnes utilisent Facebook et Google plus en Iran ?
Il n’y a pas de chiffre officiel ou confirmé concernant le nombre d’utilisateurs iraniens de Facebook ou Google plus. Une étude affirme qu’il y a près de 30 millions de profils d’utilisateurs Facebook mais d’autres sources donnent d’autres chiffres allant de 14 à 20 millions d’utilisateurs. Une autre source encore, plus fiable, révèle des chiffres qui montrent qu’il y a eu 42 millions (53,3 % de pénétration d’internet sur le total de la population) de personnes connectées par différents moyens en 2012.
Qu’attendez-vous de votre visite dans le centre de recherche de LUSSI à Telecom Bretagne ?
Mon projet principal était de pouvoir recevoir des conseils scientifiques des membres de LUSSI afin de rendre ma recherche plus précise et légitime, d’un point de vue scientifique. Je vais aussi discuter avec des membres reconnus de LUSSI et des étudiants pour avoir leurs avis dans ma phase d’analyse des données. Considérant la masse de données que je rassemble, j’utiliserai peut-être les outils d’analyse computationnelle pour l’analyse de mes données. J’espère également avoir la chance de travailler avec LUSSI, des membres de Telecom Bretagne et des étudiants sur les fonctions que j’ai conçues pour Social Village, particulièrement sur la dimension plus ludique de l’application afin de la rendre plus plaisante aux utilisateurs.
Avez-vous l’intention de développer des projets (projets de recherche, publication) avec des membres de Telecom Bretagne ?
En fait, je l’espère ; ce serait une belle opportunité d’exploiter mes recherches antérieures et mes expériences professionnelles dans un cercle reconnu dans la communauté scientifique. J’ai eu la chance de bénéficier des conseils avisés de mon encadrant sur mes recherches récentes, en plus de ceux de mon directeur de thèse. Je travaille maintenant dessus pour les proposer à des colloques et à des journaux scientifiques. Je suis heureux de vous dire que grâce à cette aide et à ces encouragements, le résumé de la partie méthodologique de ma thèse a été accepté et sera présenté au Sunbelt, du 3 au 5 juin, à Brighton, qui est l’évènement scientifique le plus connu dans le domaine des SNA. De plus mes recherches de thèse ont été acceptées à la 8ème édition des cours d’été, Méthodes et Applications dans les réseaux, qui doivent se tenir à l’UAB en juillet, en Espagne. Le docteur Jullien et moi avons travaillé sur différents sujet parallèlement à ma thèse, sur une enquête concernant les utilisateurs de Wikipedia , par exemple. J’espère avoir d’autres opportunités de travailler avec des membres de LUSSI et de Telecom Bretagne durant le temps qui me reste à Telecom Bretagne.
Pour en savoir plus sur les recherches d’Aliakbar : son CV, son compte linkedIn. }
Voir en ligne : Application Social Village