Marsouin a répondu présent pour la deuxième année consécutive à la rencontre annuelle du World Internet Project (WIP) qui s’est déroulée du 1er au 5 juillet à Taipei (Taïwan).
Margot Beauchamps revient dans cet article sur les enjeux de cette rencontre et ses moments forts.
Présentation du World Internet Project
Pour rappel, ce réseau international rassemble une trentaine de centres de recherche dans le monde qui conduisent des enquêtes nationales sur les usages numériques.
L’objectif principal du WIP est de s’accorder sur une batterie de questions communes à intégrer dans ces enquêtes nationales, afin de se doter d’indicateurs comparables à l’échelle internationale.
Une rencontre taïwanaise placée sous le signe de l’e-gouvernement
La rencontre du WIP 2016 étant organisée par le Taïwan E-Governance Research Center, le sujet de l’e-gouvernement était au cœur de la première journée, qui, comme le veut la tradition du WIP, est une journée ouverte, s’adressant à des chercheurs et acteurs publics du pays organisateur.
Au cours de la première matinée, après les mots d’ouverture de la rencontre, puis la présentation de Jeff Cole, fondateur du WIP, les stratégies numériques du gouvernement taïwanais ont été présentées en quelques interventions.
Un bref éclairage sur la situation française de l’e-administration a également été présenté.
L’après-midi, la dimension politique de l’e-gouvernement et la capacité des outils numériques à élargir le cercle de la participation politique, a été plus directement abordée, avec la présentation de la très médiatique hacktiviste taïwanaise Audrey Tang, ainsi que les interventions de Thierry Vedel (Sciences Po Paris) et Indra De Lanerolle (University of Witswatersrand, Afrique du Sud).
La discussion sur les « questions communes »
Tous les trois ans, une partie de ces rencontres est consacrée à la discussion sur les « questions communes », qui doivent être revues à la lumière des évolutions que connaissent les usages numériques. C’était le cas de cette dernière rencontre, pour laquelle la participation du Gis M@rsouin revêtait donc une importance cruciale. En effet, l’objectif de la rencontre était de parvenir à un accord sur les questions communes qui sont au cœur du projet du WIP.
L’inauguration d’une nouvelle méthode de travail
Coordonnée par Ellen Helsper (Département « Media, Communication and Organizations » de la London School of Economics), la discussion sur les questions communes a pris une forme inédite dans l’histoire du WIP, qui a permis d’éviter l’âpreté des négociations qui ont pu ponctuer les précédentes discussions sur les questions communes, d’après les membres historiques du WIP.
Les participants ont été séparés en petits groupes de 4, chacun des groupes étant invité à travailler, thème par thème, sur le document rassemblant la précédente version des questions communes, enrichie des divers commentaires laissés au cours des derniers mois par les membres ayant participé au comité « Questions communes » (dont Marsouin faisait partie).
Non seulement le travail en petits groupes permet une plus grande efficacité, mais aussi, il facilite la prise de parole par l’ensemble des membres, y compris par ceux dont la maîtrise de l’anglais ou la capacité à s’exprimer publiquement est moindre. Cela permet donc à l’intelligence collective de se déployer plus aisément. Le WIP se dote aussi ainsi des moyens de remettre en cause plus aisément des questions communes (et plus généralement les méthodes) héritées du passée, dont la pertinence est à discuter.
Après le travail en petit groupe, une mise en commun des commentaires visait, question par question de décider (si besoin, au moyen du vote à main levée) de la suppression, la modification ou l’ajout d’une question.
Résultats des négociations sur les questions communes
Si les questions les moins pertinentes ont été sans difficultés abandonnées, il reste que certaines questions ou formulations de question doivent être conservées pour assurer la continuité dans la mesure des usages numériques, notamment pour les membres fondateurs du WIP.
En terme d’ajouts de questions, une partie de la discussion a porté sur l’importance de la mesure des compétences numériques des internautes, l’un des principaux déterminants de nombreux usages, d’après les membres ayant déjà intégré dans leur enquête un volet de questions sur ce thème.
Le choix d’ajouter aux questions communes un tableau de quelques questions sur les compétences numériques des internautes a été acté et il s’appuie sur le travail de validation de la mesure par questionnaire des compétences numériques réalisée dans le cadre de projets de recherche internationaux (van Deursen et al., 2016, Eu-Kids Online, Global Kids Online). Les indicateurs des compétences numériques ont été validés dans plusieurs langues par des entretiens cognitifs visant à voir comment les personnes interrogées comprenaient les questions sur les compétences numériques, comment elles y répondaient, réponses qui ont été en partie comparées avec des tests de compétences en situation réelle.
Toujours dans les ajouts, un item sur l’utilisation des sites de rencontres a été ajouté dans une question listant différents usages d’Internet.
D’ici la fin du mois, les membres du WIP qui n’ont pu se rendre à la rencontre annuelle 2016 peuvent encore commenter les décisions prises, et sous réserve d’arguments forts, infléchir certaines décisions dont la pertinence pourrait être remise en cause.
Modules complémentaires Versus Questions communes
Le temps a manqué pour passer systématiquement en revue les modules de questions thématiques sur lesquels ont travaillé les membres du WIP au cours de l’année écoulée. Ces modules sont diversement avancés. Sur la question des compétences numériques, un module complémentaire, permettant d’aller plus en profondeur dans la mesure des compétences que ne le permettent les quelques questions ajoutées aux « questions communes » est dors et déjà proposé aux membres du WIP qui le souhaitent.
Un module sur la participation politique devrait voir le jour prochainement.
Au-delà de ces avancées, certains membres du WIP ont mis en garde contre la tentation de reléguer les questions communes dans des modules complémentaires, non obligatoires, au risque de vider de sa substance le projet du WIP.
Les rencontres du WIP : un moment de transfert de compétences
Les discussions avant et autour des questions communes permettent également de partager des méthodes, des protocoles d’enquête, mais aussi les modèles théoriques qui servent de fondements à certains modules de questions. En ce sens, cette dernière rencontre du WIP a aussi été l’occasion d’un réel transfert de compétences international entre centres de recherche sur les usages numériques.
Enfin, le réseau des membres du WIP constituent de précieuses ressources pour la mise en place de partenariats de recherche internationaux, au delà du travail sur les données d’enquêtes partagées sur les questions communes.
Open data : des pratiques variables selon les membres du WIP
La question de l’ouverture publique des données d’enquête a été également abordée. Si les données de l’enquête que M@rsouin mènera d’ici la fin de l’année auprès d’un échantillon de la population française (financée dans le cadre du projet ANR Capacity) seront rendues publiques, ce ne sera pas le cas de toutes les données du WIP, chaque membre du réseau ayant ses propres contraintes. La diffusion des données à l’échelle internationale restera donc interne aux membres du WIP. Cependant, un rapport est régulièrement publié par le Center for the Digital Future qui synthétise les données de l’ensemble des pays membres. Les rapports sont disponibles au format PDF sur le site du Center for the Digital Future http://www.digitalcenter.org/reports/
Parmi les formes de valorisation des données d’enquêtes, Justin Martin (Northwestern University in Qatar) a présenté la plateforme de visualisation des données du Qatar, recueillies son centre de recherche et qui concernent outre le Qatar, 5 autres pays arabes (Tunisie, Egypte, Liban, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis). http://www.mideastmedia.org/industry/2016/
Marsouin, organisateur de la rencontre annuelle du WIP 2018, en France
La dernière séance de la rencontre annuelle a été consacrée à l’organisation de la suite du travail en commun, mais également à la consolidation du principe d’une organisation de la prochaine rencontre (en juillet 2017) par les partenaires russes à Moscou et Saint-Petersbourg, et de celle de la rencontre annuelle de 2018 par M@rsouin, en France.