Les Technologies de l’Information et de la Communication ont profondément modifié les relations entre les navires et la terre. Grâce aux TIC (téléphones par satellites et, éventuellement, Internet), un navire (navire marchand, navire militaire ou bateau de pêche) n’est plus coupé du monde lorsqu’il est en mer : il reste en contact avec son armement, avec les centres de surveillance du trafic, avec les services portuaires, avec la famille.
Nous proposons d’analyser l’impact des TIC dans la gestion et l’usage des informations dans les relations mer/terre.
Dans le secteur de la pêche maritime, la transmission de l’information prend une dimension particulière, car elle réduit l’incertitude et modifie, par conséquent, les relations entre les acteurs d’une filière économique fortement concurrentielle et compétitive.
Retombée en terme de recherche théorique.
La compréhension des facteurs humains et sociaux intervenant dans l’appropriation par les utilisateurs/ usagers de nouveaux dispositifs techniques nécessite une approche pluridisciplinaire, à laquelle contribuent notamment la psychologie ergonomique, la sociologie et l’ingénierie. Or, il est rare que la psychologie ergonomique et la sociologie collaborent. Dans le cadre de ce projet, les chercheurs des deux entités souhaitent mutualiser et enrichir leur démarche méthodologique et conceptuelle autour de la notion d’intermédiation qui apparaît comme un élément central dans la diffusion des TIC.
Nous proposons, ce faisant, une approche interdisciplinaire originale des TIC qui contribuera au rapprochement nécessaire de nos deux disciplines et qui pourra trouver un écho dans les revues suivantes : en français « Le Travail Humain », en anglais « International Journal of Man-Machine Studies » ou « International Journal of Human-Computer studies ».
Retombée en terme de recherche appliquée.
Il y a déjà plus d’une dizaine d’années que les passerelles de nombreux chalutiers hauturiers sont équipés de sondeurs couleurs, de traceurs de route, de plans de pêche sur écrans et d’outils de positionnement par satellite. Le progrès technologique a ainsi entraîné la fin de l’isolement pour le bateau et une hausse de la sécurité.
Les TIC sont essentielles pour les marins, éloignés de leur famille et des lieux de commercialisation du poisson, et qui cherchent à communiquer avec des visées personnelles et économiques. Aujourd’hui les communications utilisent le système géostationnaire Inmarsat. Inmarsat offre une palette de formats de services utilisant tous les mêmes satellites.
De même, l’usage du système Inmarsat et informatisation des criées a apporté une nouvelle configuration des échanges commerciaux.
L’objectif de l’étude est d’apporter un accompagnement à la décision dans le cadre de la diffusion des techniques de l’information et de la communication et de l’équipement des navires et des criées. Il s’agit, notamment, de montrer l’impact des différents formats de service sur les échanges d’informations personnels et économiques, de mettre en évidence leurs usages (usages qui peuvent être différents de ce que les concepteurs avaient prévu) et de proposer un cahier des charges pour de nouvelles fonctionnalités correspondant aux usages actuels et à des usages souhaités ou souhaitables.
Retombée en terme de développement d’outils.
Le projet proposé met l’accent sur l’analyse de terrain. A côté des méthodes d’enquête, les méthodes d’observation développées en ergonomie et en ethnologie seront utilisées pour analyser l’usage des TIC par les différents acteurs de la filière : sur le carreau des criées et en passerelle des bateaux de pêche. Ces méthodes sont très différentes - et complémentaires - des méthodes d’enquête. Elles doivent faire apparaître des éléments qui ne sont pas accessibles au moyen des entretiens et questionnaires ; en particulier l’incidence des TIC sur la dynamique de l’action ou des négociations.
L’expérience de recherche empirique pourra servir de base à une réflexion plus générale, dans le cadre de M@rsouin, et au-delà, sur les modalités de recherche-action.
Organisation du projet.
Sous-projet 1. Harmonisation théorique et méthodologique. (Annabelle Boutet, Christine Chauvin-Blottiaux, Ghislaine Tirilly)
Constitution et mutualisation de l’état de l’art existant dans les deux disciplines et les disciplines adjacentes. Construction d’une méthode de recueil des données communes.
Ce travail de co-construction fera l’objet de publication à vocation théorique et donnera lieu à une présentation dans le cadre d’un séminaire ouvert aux chercheurs de M@rsouin.
Attendu : grille d’observation et protocole d’enquête. Durée : 3 mois.
Sous-projet 2. Enquête de terrain. (Christine Chauvin-Blottiaux, Ghislaine Tirilly, Gaël More, Annabelle Boutet)
La démarche de recherche s’appuiera sur un travail d’observation in situ dans les différents lieus d’activités en mer et à terre et sur des entretiens individuels auprès des différents utilisateurs.
Attendu : Recueil de données sous forme de monographie, rapport intermédiaire. Durée : 4 mois.
Sous-projet 3. Analyse des données. (Annabelle Boutet, Christine Chauvin-Blottiaux, Ghislaine Tirilly, Gaël Morel)
Attendu : Rapport de recherche. Durée : 4 mois.
Sous-projet 4. Valorisation. (Christine Chauvin-Blottiaux, Annabelle Boutet, Ghislaine Tirilly, Gaël Morel)
Attendu : présentation auprès des professionnels impliqués dans le projet, publication d’articles, publications du rapport dans le cadre de M@rsouin, communications internationales.
Durée : 3 mois et au-delà du projet.
Bibliographie, état de l’art.
La sociologie de l’innovation et des technologies permettra d’appréhender les interactions qui s’établissent au moyen des TIC. Les questions porteront essentiellement sur la transformation des modes de transaction et de la sociabilité.
La psychologie cognitive et l’ergonomie apporteront un éclairage plus précis sur l’incidence de ces interactions sur les décisions prises (décision de rester en mer ou de rentrer au port pour vendre le poisson pêché) et, éventuellement sur la prise de risque.
Les usages sociaux des TIC dans le domaine de la pêche maritime ont été abordés en 1998 dans le cadre d’un séminaire organisé par le comité local des pêches du Guilvinec au sujet d’un projet européen (Marsource) qui, finalement, n’a pas abouti. Depuis cette date, ce sujet n’a pas - à notre connaissance - fait l’objet d’études scientifiques.